Maintenant que l’ensemble des résultats du vote du 20 septembre dernier sont connus, il est temps de dresser le bilan de cette élection hors de l’ordinaire. La plupart des analystes estiment que cette élection fut inutile, voire un exemple de gaspillage vu le résultat très semblable au scrutin de 2019. Nous nous permettons d’être en désaccord pour des raisons que nous expliquerons dans cet article.
Des résultats décevants pour certains, mais pas pour tous
Il est vrai que chaque parti fédéral peut estimer que cette élection a été une occasion manquée. La plupart ont fait du surplace, tant en termes de sièges qu’en pourcentage de vote. Toutefois, demeurant au pouvoir, il est évident que le grand gagnant de la campagne est le parti libéral. Vrai, Justin Trudeau n’a pas réussi à amener ses troupes à la majorité. Toutefois, il a remporté une troisième élection consécutive, il demeure au pouvoir, son équipe occupera tous les postes de ministres, il pourra nommer sénateurs, ambassadeurs. Ses collaborateurs demeureront ceux qui dirigent l’État.
En fait, la question n’est pas de savoir si un gouvernement est majoritaire ou minoritaire, mais comment il peut exercer le pouvoir et imposer son agenda. On se souviendra que Stephen Harper, de 2006 à 2011, a très bien su diriger un gouvernement minoritaire et agir comme s’il avait une majorité.
L’exercice du pouvoir
Nous sommes fort probablement dans une situation semblable aujourd’hui. Le gouvernement demeure minoritaire, mais la toile de fond politique du pays favorise Justin Trudeau et son parti.
Tout d’abord, la victoire quasi totale dans la grande région de Toronto est de mauvais augure. Non seulement le parti conservateur est à peu près sorti de Vancouver et Halifax, il est maintenant hors de Montréal et Toronto, les deux plus grandes villes du pays. Électoralement, c’est un désastre. Compte tenu de la multiethnicité de la métropole canadienne, c’est aussi la fin des grands efforts faits par le parti, et particulièrement par Jason Kenney, pour consolider une solide base de votes de centre droit au sein des communautés immigrantes de première et de deuxième génération. Vu les tendances démographiques du pays, c’est de mauvais augure.
Pire encore, le parti libéral a amélioré sa position dans les villes de taille moyenne d’Ontario, soit London, Kitchener et Ottawa. Enfin, les conservateurs ont perdu des sièges à Calgary, n’ont rien remporté de neuf au Québec et ont été exclus de plusieurs villes de tille moyenne un peu partout au pays. Encore ici, la toile de fond politique favorise les Libéraux de plus en plus.
Ensuite, le NPD a connu des résultats inférieurs à ces maigres attentes. Hors-mis un peu en Colombie-Britannique, le parti a régressé. Le fait que le parti n’ait pu progresser en Ontario, malgré la déveine conservatrice, est révélateur. Le NPD retourne à son paradigme traditionnel, satisfait de faire 17-18%, de remporter entre 20 et 35 sièges et de pouvoir influencer l’agenda du parti au pouvoir. Les jours de l’opposition officielle et de la tentative sérieuse, de prendre le pouvoir de Thomas Mulcair ne sont plus qu’un lointain souvenir.
Enfin, les Libéraux ont su freiner le Bloc Québécois. Malgré la place centrale des enjeux québécois dans la campagne, le parti libéral demeure celui ayant remporté le plus de sièges au Québec. Le premier ministre demeure très populaire dans la province et tous ses ministres québécois ont été réélus.
Quant au parti vert, sa transfuge de Fredericton a été élue comme Libérale et l’avenir laisse entrevoir encore davantage de luttes intestines chez les environnementalistes.
Finalement, les partis d’opposition ont tellement attaqué le gouvernement sur sa décision de déclencher une élection en pleine pandémie, qu’ils seraient mal avisés de le renverser, et ce pour un bon bout de temps.
En conséquence, on comprend facilement que la victoire libérale est une véritable victoire, et non un entre-deux comme plusieurs analystes l’ont laissé entendre. Le faible taux de participation a aussi démontré que les électeurs canadiens ne ressentaient pas la nécessité de changer de gouvernement.
En bout de ligne, lorsque le nouveau cabinet ministériel sera assermenté, il sera tout à fait clair à savoir qui aura le privilège d’exercer le pouvoir.
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